lundi 28 mars 2011

Isolant.

La dame vient sécher son linge au Lavomatic deux à trois fois par semaine, allez savoir pourquoi, elle s’est mis en tête de faire l’acquisition d’ouvrages soldés en étalage, notamment des Séries Noires et des écrivains contemporains édités en Folio, c’est à chaque fois l’occasion pour elle de se positionner sur tel ou tel aspect de l’histoire de l’édition en France et sur ce que cela révèle de l’état de la culture, elle se positionne là, avec son Rheims ou son Delerm, son Rivas ou son Jonquet, et m’explique qu’il lui faut tout racheter, comprenez donc, mon cher monsieur, qu’elle dit, mon ex-mari a été élu aux municipales et n’a rien trouvé de mieux à faire que de me rayer des listes électorales, sous prétexte que j’étais sans domicile fixe ; et ORDURE, je réagis, ça la fait marrer, et vous ne me croirez pas, elle reprend la parole – mon ex-mari a emmuré mes livres, ouais, carrément, mes deux mille livres se situaient sur des étagères courant le long du mur en face de la porte de la salle de bains, et il a calé des plaques de plâtre devant, de sorte que ma collection sert d’isolant.

mardi 25 janvier 2011

L’éboueur au Louis d’or / Neverland.

Le type me demande si j’ai en stock « l’instinct de mort .» « Je l’ai déjà une douzaine de fois, il développe, mais j’en veux un maximum d’exemplaires. » « Ah non. Pas en ce moment, désolé. »
Ça me renvoie à une idée que j’avais eu concernant l’édition originale de Peter Pan. Une américaine me l’avait achetée pour une centaine d’euros et j’en avais dégoté un autre exemplaire chez une confrère belge, tarifée à 30 euros. J’avais commandé la référence et échafaudé un plan machiavélique – sitôt reçue, je la compacterais. Je me porterais acquéreur de tous les originaux de Peter Pan que je pourrais localiser et leur réserverais le même sort, jusqu’à ce que le marché mondial soit en rupture. MAIS il se trouverait que j’aurais conservé un exemplaire et qu’après une décennie, quand les bibliophiles spécialisés se seraient transmutés en zombies errant sans relâche, à la poursuite ralentie d’une version imprimée du Neverland, je sortirais de derrière les fagots de ma bibliothèque le fameux exemplaire, le DERNIER disponible. Une firme d’assurances japonaise placerait à coup sûr une enchère astronomique sur ladite copie, histoire de l’exposer dans le bureau du DG. Je ferais alors appel au contact d’un contact bossant pour la maréchaussée. Il conduit les pelleteuses mécaniques comme un dieu, et pourrait compacter ma bouquinerie en un tournemain. D’ici à ce qu’il donne l’ultime coup de levier, je serais déjà en position fœtale, flottant dans l’azur chaleureux d’une lagune ou d’une autre, loin des administrations et des corruptions parlementaires.
Il se trouve que la belge m’a assuré qu’elle avait envoyé le Peter Pan, et il se trouve que je ne l’ai jamais reçu. Cet exemplaire a été chouré par un postier véreux, comme il y en a de plus en plus. C’est le fiasco.
Parfois, la nuit, je traîne dans les rues au volant de ma voiture, et il m’arrive de croiser l’éboueur en uniforme. Je me rappelle comment il avait fouillé sa poche en profondeur pour en extirper un louis d’or. L’exhibant dans un rayon solaire pour qu’il réfracte un max de photons, il avait dit, « c’est le genre de truc que tu trouves dans les poubelles. […] Si tu me trouves un Mesrine, je t’en donnerai un. »